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n’avait pas besoin de vous avant neuf heures… Et vous savez, c’est parce que je n’ai pas de nouvelles de là-bas. Alors, j’ai pensé que peut-être quelqu’un vous avait écrit du pays. »

Petite, maigre et blonde, Mme Menoux, fille d’un pauvre employé, avait une mince figure pâle, d’un charme triste. De là lui venait sans doute son admiration passionnée pour son grand bel homme de mari, qui l’aurait brisée entre deux doigts. Et, d’une ténacité, d’un courage indomptable, elle se serait tuée au travail, pour qu’il eût son café et son cognac après chaque repas.

« Ah ! c’est dur tout de même, d’avoir envoyé notre Pierre si loin. Moi qui, déjà, ne vois pas mon mari de la journée, voilà que j’ai un enfant et que je ne le vois pas du tout ! Le malheur est qu’il faut vivre. Comment l’aurais-je gardé, dans ce trou de boutique, où, du matin au soir, je n’ai pas une minute à moi ?… Ça n’empêche que j’en pleure encore, de n’avoir pu le nourrir ; et, quand mon mari rentre, nous sommes comme des imbéciles, à ne parler que de lui… Vous dites alors, mademoiselle, que c’est très sain, ce Rougemont, et qu’il n’y a jamais par là de mauvaises maladies ? »

Mais elle fut interrompue par l’arrivée d’une autre visiteuse matinale, qui lui fit pousser un cri de joie.

« Oh ! madame Couteau ! que je suis contente de vous voir, quelle bonne idée j’ai eue de venir ! »

Au milieu des exclamations d’heureuse surprise, la meneuse expliqua qu’elle était arrivée par un train de nuit, avec un lot de nourrices, et que, les ayant vite déposées rue Roquepine, elle avait commencé tout de suite ses courses.

« Après un petit bonjour à Céleste, en passant, je comptais aller chez vous, ma chère dame… Mais, puisque vous voilà, nous pouvons régler notre mois, si vous le voulez bien. »