Page:Zola - Fécondité.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

Maurice contre ses genoux, elle le regardait avec la tendresse jalouse d’une somme bourgeoise, veillant sur la santé de son fils unique, qu’elle adorait, dont elle voulait faire un des princes de l’industrie et de l’argent. Tout d’un coup, elle se récria.

« Mais alors, docteur, ce serait moi la coupable… Vraiment, vous croyez qu’un enfant nourri par sa mère est toujours d’une constitution plus forte, plus résistante aux maladies de l’enfance ?

— Oh ! sans aucun doute, madame. »

Beauchêne, mâchonnant son cigare, haussa les épaules, éclata de son gros rire.

« Laisse donc ! le petit vivra cent ans, la Bourguignonne qui l’a nourri était un vrai roc… Et c’est donc décidé, docteur, vous allez faire décréter par les Chambres l’allaitement maternel obligatoire ? »

Boutan, lui aussi, riait.

« Mon Dieu ! pourquoi pas ? »

Du coup, ce fut pour Beauchêne un sujet de plaisanteries énormes, tout ce qu’une telle loi bouleverserait dans les habitudes et dans les mœurs, et la vie mondaine suspendue, les salons fermés pour cause d’allaitement général, et pas une femme qui garderait une gorge présentable au-delà de trente ans, et les maris qui seraient forcés de se syndiquer, d’avoir un sérail où ils trouveraient des femmes de rechange, lorsque les leurs se cloîtreraient dans leurs fonctions de nourrice.

« Enfin, vous voulez une révolution.

— Une révolution, oui, dit le docteur doucement. On la fera. »