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avait reprise. Vous voulez me mettre en contradiction avec moi-même, me faire confesser que j’accepte les sept enfants de Moineaud, et que j’ai besoin d’eux, tandis que, moi, avec ma volonté formelle de m’en tenir à un fils unique, je mutile la famille pour ne pas mutiler la propriété. La France, le pays des fils uniques, comme on la nomme maintenant, n’est-ce pas ?… Eh bien ! oui, c’est vrai. Mais, mon cher, la question est si complexe, et combien j’ai raison au fond !

Alors, il voulut s’expliquer, il se tapa de nouveau sur la poitrine, en criant qu’il était libéral, démocrate, prêt à réclamer tous les progrès sérieux. Il reconnaissait volontiers qu’il fallait faire des enfants, que l’armée avait besoin de soldats et les usines d’ouvriers. Seulement, il invoquait aussi les devoirs de prudence des hautes classes, il raisonnait en riche, en conservateur qui s’immobilise dans la fortune acquise.

Et Mathieu finit par comprendre la vérité brutale : le capital est forcé de créer de la chair à misère, il doit pousser quand même à la fécondité des classes salariées, afin d’assurer la persistance de ses profits. La loi est qu’il faut toujours trop d’enfants, pour qu’il y ait assez d’ouvriers à bas prix. En outre, la spéculation sur le salariat ôte toute noblesse au travail, qui est regardé comme le pire des maux, lorsqu’il est en réalité le plus précieux des biens. De sorte que tel est le chancre dévorant. Dans les pays d’égalité politique et d’inégalité économique, le régime capitaliste, la richesse iniquement distribuée, exaspère et restreint à la fois la natalité, en viciant de plus en plus l’injuste répartition : d’un côté, les riches à fils unique dont l’entêtement à ne rien rendre accroît sans cesse la fortune ; de l’autre, les pauvres dont la fécondité désordonnée émiette sans cesse le peu qu’ils ont. Que demain le travail soit honoré, qu’une juste distribution de la richesse se produise, l’équilibre