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travaux supplémentaires, pour lui donner plus de bien-être et grossir la dot. Sans elle, il serait mort de lassitude et d’abandon. Elle devenait sa vie.

« Mais oui, répondit-elle à une question de Boutan, avec son joli sourire, c’est moi qui le ramène, ce pauvre papa, pour être bien sûre qu’il fera un petit tour de promenade, avant de se remettre au travail. Autrement, il s’enferme dans sa chambre, il ne bouge plus. »

Morange eut un geste vague, pour s’excuser. Chez lui, en effet, anéanti de douleur et de remords, il vivait dans sa chambre, avec une collection de portraits de sa femme, à tous les âges, une quinzaine de photographies qu’il avait accrochées aux murs.

« Il fait très beau, aujourd’hui, monsieur Morange, reprit Boutan, vous avez eu raison de vous promener. »

Le pauvre homme leva des yeux étonnes, regarda le soleil, comme s’il ne l’avait pas encore vu.

« C’est vrai, il fait beau… Et puis, c’est aussi très bon pour Reine, de sortir un peu. »

Et il la contempla tendrement, si charmante, si rose, dans le noir de son deuil. Il avait toujours peur qu’elle ne s’ennuyât, pendant les longues heures où il la laissait à la maison, seule avec la bonne. La solitude était pour lui une telle détresse, toute pleine de celle qu’il pleurait, qu’il s’accusait d’avoir tuée !

« Papa ne veut pas croire qu’on ne s’ennuie jamais à mon âge, dit gaiement la jeune fille. Depuis que ma pauvre maman n’est plus là, il faut bien que je sois une petite femme… Et, d’ailleurs, la baronne vient quelquefois me chercher. »

Elle eut un léger cri, en voyant une voiture s’arrêter au bord du trottoir. Une tête de femme s’était penchée à la portière, elle l’avait reconnue.

« Et tiens ! papa, la voici, la baronne… Elle doit