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faisait point. Restait la question de son poupon à ramener au pays, trente francs encore, sans compter le pourboire à la meneuse.

« Je repars ce soir, dit la Couteau, je veux bien emmener le petit. Vous dites avenue d’Antin ? Je sais, je sais, il y a une femme de chambre de mon pays, dans cette maison-là… Marie peut y aller tout de suite. Moi, dans deux heures, quand j’aurai fait mes courses, j’irai la débarrasser.

À ce moment, par la porte restée ouverte, Boutan aperçut dans l’allée, les deux jeunes paysannes, qui riaient, se poussaient avec des jeux de chattes.

« Dites donc, on ne me les a pas montrées, celles-là. Elles sont gentilles… Est-ce que ce sont des nourrices ?

— Des nourrices, non, non ! répondit la Couteau, avec son mince sourire. Ce sont des personnes qu’on m’a chargée de placer. »

En entrant, d’un coup d’œil oblique, elle avait examine Mathieu sans d’ailleurs sembler le reconnaître. Celui-ci était resté sur sa chaise, assistant à cet examen de bétail qu’on achète, écoutant ensuite ce marché de mère qui se vend, silencieux, le cœur peu à peu soulevé de pitié et de révolte. Puis, un frisson l’avait saisi lorsque la meneuse s’était tournée vers le bel enfant bien sage dont elle parlait de débarrasser la nourrice. Et il la revoyait avec les cinq autres, à la gare Saint-Lazare, s’envolant, emportant chacune un nouveau-né, telles que des corneilles de massacre et de deuil. C’était la rafle qui recommençait, de la vie encore et de l’espoir qu’on volait au grand Paris, un nouveau convoi criminel pour le néant, avec la menace cette fois d’un meurtre double comme disait le docteur, deux enfants en danger de mort, celui de la nourrice et celui de la mère.

Enfin, comme Boutan et Mathieu s’en allaient, accompagnés par les grands saluts de Mme Broquette, ils