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— Et vous n’êtes pas mariée ?

— Non, monsieur. »

Boutan parut satisfait, car, bien qu’il y ait là une prime à l’inconduite les filles mères sont préférées comme nourrices. Elles se montrent plus dociles, plus aimantes, se font aussi payer moins cher, et n’ont pas derrière elles l’embarras d’une famille, d’un mari, qui devient une continuelle terreur.

Sans la questionner davantage, le docteur, après avoir feuilleté ses papiers, ses certificats, son livret, la soumit à un examen général. Il lui visita la bouche, les gencives, constata qu’elle avait les dents blanches et saines. Il passa aux ganglions du cou, l’emmena même dans un cabinet voisin pour une visite plus intime. Puis, quand il l’eut ramenée, il finit par une étude minutieuse des seins, le développement de la glande, la forme du mamelon, la quantité et la qualité du lait. Il en avait recueilli quelques gouttes dans sa main, il le goûta, alla le regarder au grand jour.

« C’est bien, c’est bien », répétait-il de temps à autre.

Enfin, il s’occupa de l’enfant, dont la mère s’était débarrassée sur un fauteuil, et qui restait là, les yeux ouverts, très sage. C’était un garçon, de trois mois au plus, l’air solide et fort. Après lui avoir regardé la plante des pieds et la face palmaire des mains, il inspecta la muqueuse de la bouche et de l’anus, car la syphilis héréditaire est toujours à craindre. Il ne découvrit aucune tare.

Un instant, il leva la tête pour demander :

« C’est bien à vous, au moins, cet enfant-là ?

— Oh ! monsieur !… Où voulez-vous donc que je l’aie pris.

— Dame ! ma fille, ça se prête. »

L’examen était fini. Il ne se prononça pas immédiatement, la regardant encore en silence, gêné par il ne savait