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six chambres chacun, aménagées en dortoirs n’était qu’une sorte de maison garnie, d’une nature spéciale, où couchaient à la nuit les nourrices avec leurs poupons. C’étaient de continuels arrivages, de continuels départs, une galopade ininterrompue de paysannes débarquées du matin, traînant des malles charriant des enfants au maillot, emplissant les chambres, les corridors, les salles communes, de cris féroces et de mauvaises odeurs, au milieu du plus répugnant déballage qu’on pût voir. Et il y avait encore, dans la maison, Mlle Broquette, Herminie de son petit nom, une pâle fille de quinze ans, mangée de chlorose, longue et exsangue, qui promenait languissamment sa virginité fade parmi ce pullulement de chairs étalées, de cette marée de nourrices plus ou moins débordantes de lait.

Boutan, très renseigné sur la maison, entra, suivi de Mathieu. L’allée centrale, assez large, était fermée au fond par une porte vitrée, donnant sur une sorte de cour, plantée d’un arbuste maigre, au milieu d’un rond de gazon que l’humidité pourrissait. À droite de cette allée, se trouvait le bureau où Mme Broquette sur la demande des clients, faisait comparaître les nourrices, qui se tenaient, avec leurs poupons, dans une pièce voisine, simplement garnie d’une table de bois blanc graisseuse, au centre, et de banquettes, le long des murs. Le bureau avait un vieux meuble Empire de velours rouge, un guéridon d’acajou, une pendule dorée, des carrés de guipure jetés sur les dossiers des fauteuils. Puis, à gauche de l’allée, près de la cuisine, se trouvait le réfectoire commun, deux longues tables recouvertes de toile cirée, et qu’une débandade de chaises à demi dépaillées entourait. Sous le coup de balai quotidien, on devinait, dans les coins sombres, la crasse tenace, longtemps amassée. Dès le seuil, une odeur âcre s’exhalait, le graillon de la