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autre. Aujourd’hui, si ce n’est plus sa tendresse pour son mari qui l’en empêche, oh ! non, il est malheureusement certain qu’elle est devenue incapable d’un tel effort, avec son existence imbécile et gâchée… Et le pis, voyez-vous, c’est qu’après trois ou quatre générations de mères qui ne nourrissent pas, elles finissent toutes par dire la vérité, elles ne peuvent plus nourrir, la glande mammaire s’atrophie, perd son pouvoir de sécrétion lactée. C’est à cela que nous marchons, mon ami, à une race de misérables femmes, détraquées, incomplètes, capables peut-être encore d’enfanter par hasard, radicalement incapables de nourrir. »

Mathieu se souvint alors de ce qu’il avait vu chez la Bourdieu et aux Enfants-Assistés. Il dit ses réflexions à Boutan, qui eut de nouveau son grand geste de désespoir. Selon celui-ci, toute une œuvre immense de solidarité humaine et de salut social restait à faire. Sans doute, un mouvement d’heureuse philanthropie s’indiquait déjà, beaucoup de bonnes œuvres privées, des maisons charitables se fondaient. Mais, devant la plaie affreuse, immense, toujours saignante, ces remèdes restreints demeuraient illusoires, n’indiquaient guère que la bonne voie à suivre. Ce qu’il fallait, c’étaient des mesures générales, des lois sauvant la nation : la femme aidée, protégée dès les premiers jours pénibles de la grossesse, soustraite aux dures besognes, devenue sacrée ; la femme, plus tard, accouchée dans le calme, en secret si elle le désire, sans qu’on lui demande rien autre que d’être une mère ; la femme et l’enfant, ensuite, soignés, secourus, pendant la convalescence, puis pendant les longs mois de l’allaitement, jusqu’au jour où, l’enfant mis au monde enfin, la femme puisse, de nouveau, être une épouse saine et vigoureuse. Il n’y avait là qu’une série de précautions à prendre, des maisons à créer, des refuges de grossesse, des maternités secrètes, des asiles de convalescence,