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lendemain des couches repris d’une courte crise de tendresse pour sa femme, à choisir lui-même la nourrice d’Andrée, la fillette née de la veille. Il prétendait s’y connaître, il avait voulu une robuste fille, d’apparence monumentale, avec des seins énormes. Mais, depuis deux mois, l’enfant dépérissait, et le docteur, appelé, avait constaté qu’elle mourait tout simplement de faim. La superbe fille manquait de lait ou plutôt son lait, soumis à l’analyse, venait d’être jugé trop clair, insuffisant. Grosse affaire que le changement d’une nourrice ! La tempête soufflait dans la maison, Séguin faisait claquer les portes, en criant qu’il ne s’occuperait plus de rien.

« Alors, conclut Boutan, me voilà chargé de choisir et tiens une nouvelle nourrice. Et cela presse, car je suis très inquiet de cette pauvre petite Andrée. Ça fait pitié, des enfants pareils.

— Mais, demanda Mathieu, pourquoi la mère n’a-t-elle nourri ? »

Le docteur eut un grand geste désespéré.

« Ah ! mon cher, vous en demandez trop. Comment voulez-vous qu’une Parisienne de la bourgeoisie riche, avec la vie qu’elle mène avec le train de maison qu’elle se croit forcée de tenir, les réceptions les dîners, les soirées, les continuelles courses au-dehors, les obligations mondaines de toutes sortes, puisse accepter le devoir, l’œuvre courageuse et longue d’allaiter un enfant ? C’est quinze mois d’abnégation et de renoncement. Et je ne parle pas des amoureuses, des jalouses, qui, entre l’enfant et le mari, choisissent ce dernier, se gardent pour lui seul, de peur qu’il ne les plante là… Ainsi, cette petite Mme Séguin se moque du monde, lorsqu’elle prend des airs de désolation, en disant qu’elle aurait tant voulu nourrir, mais qu’elle n’a pas pu, qu’elle n’avait pas de lait. Elle n’a jamais essayé, elle aurait sans doute fait, à son premier enfant, une nourrice comme une