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jetée au fond du fiacre, et que celui-ci se mit à rouler :

« Ouf ! ce n’est pas malheureux… La voyez-vous, celle-là, monsieur ? Elle n’a pas voulu risquer quinze francs par mois, et elle accuse cette bonne Mlle Rosine, qui vient de me donner quatre cents francs, pour qu’on prenne soin de son petit jusqu’à sa première communion !… C’est vrai qu’il est superbe, ce petit. Regardez-le donc ! Ah ! quand l’amour fait les enfants, il les fait bien. Dommage que les plus beaux sont souvent ceux qui meurent le plus vite. »

Mathieu le regardait, sur les genoux de la meneuse, où il avait remplacé l’enfant de Norine. Il le voyait dans un maillot très blanc, vêtu de linge très fin, garni de dentelle, ainsi qu’un fils de prince condamné, qu’on mène luxueusement au supplice. Et il se rappelait la monstrueuse histoire, le père dans le lit de la fille, trois mois après la mort de la mère, l’enfant de l’inceste né de couches clandestines, cédé pour un prix fait à la nourrisseuse qui le supprimerait, tranquillement, sous le hasard d’une fenêtre ou d’une porte, laissée grande ouverte. Le petit, à peine éclos, d’une figure fine d’où se dégageait déjà une beauté d’ange, était très sage, ne poussait pas un cri. Un frisson passa, abominable.

Dans la cour de la gare Saint-Lazare, la Couteau sauta vivement du fiacre.

« Merci, monsieur, vous avez été bien aimable… Et à la disposition des dames que vous connaissez, si vous voulez me recommander à elles ! »

Alors, Mathieu, descendu sur le trottoir, vit un spectacle qui le retint un instant encore. Cinq femmes, d’allures paysannes, chargées chacune d’un poupon, étaient là, parmi la bousculade des voyageurs et des bagages, à s’effarer, à courir, comme des corneilles en peine, leurs grands becs jaunes anxieux, leurs ailes noires battantes d’inquiétude. Puis, quand elles aperçurent