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Mais, quand elle vit que les larmes seules de Norine lui répondaient, elle eut un geste brusque de femme active qui n’a pas les moyens de perdre son temps. À chacun de ses voyages de quinzaine, dès qu’elle s’était débarrassée dans les bureaux de son lot de nourrices elle se hâtait de faire, en quelques heures, son tour chez les sages-femmes, où elle racolait les nourrissons à emporter, de façon à pouvoir reprendre le chemin de fer le soir même, avec les deux ou trois femmes qui l’aidaient au charriage des petiots comme elle disait. Cette fois, elle était d’autant plus pressée, que Mme Bourdieu, qui l’employait un peu à toutes les besognes, lui avait demandé de porter immédiatement l’enfant de Norine aux Enfants-Assistés, si elle ne l’emmenait pas à Rougemont.

« Alors, reprit-elle en se tournant vers la sage-femme, Je n’aurai donc qu’à emmener l’enfant de l’autre dame. Le mieux est que je la voie tout de suite, pour m’entendre définitivement… Puis, je vais revenir prendre celui-ci, que j’irai déposer là-bas, au galop, au galop, car mon train est à six heures. »

Quand elles furent sorties, pour passer à côté, chez Rosine, accouchée de la veille, il n’y eut plus, dans le silence lourd de la pièce, que la lamentation de Norine, pleurant toujours à gros sanglots. Mathieu s’était assis près du berceau, regardant avec une infinie pitié le pauvre être qui continuait à dormir paisiblement. Et Victoire, la petite bonne, muette pendant toute la scène, l’air absorbé par sa couture, se mit à parler dans ce grand silence, d’une façon lente, interminable, sans même quitter son aiguille des yeux.

« Vous avez joliment raison de ne pas lui confier votre enfant, à cette sale femme ! Quoi qu’on en fasse là-bas, à l’hospice, il y sera mieux qu’entre ses mains. Au moins, il aura la chance de vivre. C’est bien pour ça que je me suis obstinée, comme vous, à ce qu’on y porte le