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en leur répétant qu’il fallait s’en aller, mais qu’elles pouvaient revenir la voir, si cela les amusait.

« Dites à maman que je la remercie de ses oranges… Et, quant au petit, je veux bien que vous le regardiez, mais surtout ne le touchez pas, parce que, s’il s’éveillait, nous aurions une chanson à ne plus nous entendre. »

Alors, pendant que les deux fillettes se penchaient, déjà renseignées, toutes brûlantes de leur curiosité de petites femmes, Mathieu, lui aussi, regarda. Il vit un enfant bien portant, l’air solide, avec une face carrée, aux traits forts. Et il lui sembla qu’il ressemblait singulièrement à Beauchêne.

À ce moment, Mme Bourdieu entra, accompagnée d’une femme dans laquelle il reconnut Sophie Couteau, la Couteau, cette meneuse qu’il se souvenait d’avoir rencontrée chez les Séguin, le jour où elle y était venue proposer une nourrice. Certainement, elle aussi reconnut le monsieur dont la dame enceinte, orgueilleuse de nourrir elle-même, semblait si peu disposée à faire aller le commerce. Mais elle affecta de le voir pour la première fois, discrète par profession, sans curiosité d’ailleurs, depuis que tant d’histoires lui passaient dans les mains. Les deux fillettes, tout de suite, partirent.

« Eh bien ! mon enfant, demanda Mme Bourdieu à Norine, avez-vous encore réfléchi, qu’est-ce que vous décidez, au sujet de ce pauvre mignon, qui dort là si gentiment ?… Voici la personne dont je vous ai parlé. Elle vient de Normandie tous les quinze jours, elle amène des nourrices à Paris, et chaque fois elle remmène des nourrissons, pour les placer là-bas… Puisque vous vous entêtez à ne pas nourrir vous-même, vous pourriez au moins ne pas abandonner votre enfant, le lui confier jusqu’à ce que vous ayez les moyens de le reprendre… Ou bien, enfin, si vous êtes résolue à l’abandon complet, elle va