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savait-elle, tolérante, fermant les yeux sur ce qu’elle ne pouvait empêcher.

À son tour, il se baissa pour embrasser l’enfant.

— Tu entends, Maurice ? C’est bien vrai, ce que dit maman : nous n’irons pas en chercher un autre dans le chou.

Et, se tournant vers Boutan :

— Vous savez, docteur, que les femmes ont des petits moyens à elles.

— Hélas ! dit doucement celui-ci. J’en ai soigné une dernièrement, qui en est morte.

Dès lors, ce fut, chez Beauchêne, du fou rire ; tandis que Constance, blessée, affectait de ne pas comprendre. Et Mathieu, qui s’était abstenu d’intervenir, restait grave, car cette question de la natalité lui semblait effrayante, passionnante, la question mère, celle qui décide de l’humanité et du monde. Il ne s’est pas fait un progrès, sans que ce soit un excès de la natalité qui l’ait déterminé. Si les peuples ont évolué, si la civilisation a grandi, c’est qu’ils se sont multipliés d’abord, pour se répandre ensuite par toutes les contrées de la terre. Et l’évolution de demain, la vérité, la justice, ne sera-t-elle pas nécessitée de nouveau par cette poussée constante du plus grand nombre, la fécondité révolutionnaire des travailleurs et des pauvres ? Toutes ces choses, il ne se les disait pas nettement, il se sentait un peu honteux de ses quatre enfants déjà, troublé par les conseils d’évidente prudence que les Beauchêne lui donnaient. Mais sa foi en la vie luttait, sa croyance que le plus de vie possible doit amener le plus possible de bonheur. Un être ne naît que pour créer, pour transmettre et propager de la vie. Et il y a aussi la joie de l’organe, du bon ouvrier qui a fait sa tâche.

— Alors, Marianne et moi, nous comptons sur vous, à Janville, l’autre dimanche ?