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« Oui, dis-moi ton secret, si l’heure est venue… Oh ! je sentais bien que tu portais quelque gros espoir. Mais je ne te demandais rien, J’attendais. »

Il ne répondit pas directement, envahi de révolte, à un brusque souvenir.

« Tu sais que ce Lepailleur est un fainéant et un imbécile, malgré son air malin. Est-il une sottise plus sacrilège que d’aller s’imaginer que la terre a perdu de sa fécondité, qu’elle est en train de faire banqueroute, elle l’éternelle mère, l’éternelle vie ! Elle n’est marâtre que pour les mauvais fils, les méchants, les têtus, les bornes, ceux qui ne savent ni l’aimer ni la cultiver. Mais qu’il lui vienne un fils intelligent qui l’entourera d’un culte, qui se donnera entièrement à elle, qui saura la travailler par tous les moyens nouveaux de la science aidée de l’expérience, et on la verra tressaillir, enfanter sans relâche, se couvrir d’incalculables moissons… Ah ! ils disent, dans le pays, que ce domaine de Chantebled n’a jamais produit et ne produira jamais que des ronces. Eh bien ! il viendra, l’homme qui le transformera, qui en tirera toute une terre nouvelle de joie et d’abondance ! »

Puis, brusquement, se tournant, le bras tendu, il désigna au fur et à mesure les points dont il parlait.

« Là, derrière, il y a plus de deux cents hectares de petits bois, qui vont jusqu’aux fermes de Mareuil et de Lillebonne. Ils sont séparés par des clairières d’excellent sol, que de larges trouées réunissent, et dont on ferait aisément d’admirables pâturages, car les sources s’y trouvent nombreuses… Mais surtout, ces sources, elles deviennent si abondantes, ici, sur la droite, qu’elles ont changé ce vaste plateau en une sorte de marécage, coupé de mares, planté de roseaux et de joncs. Et qu’on imagine un esprit hardi, un défricheur, un conquérant, qui drainerait ces terrains-là, les débarrasserait des eaux trop abondantes, grâce à quelques canaux, faciles à établir,