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« Ah ! c’est votre dernier. Il est bien gros et bien mignon. Nous n’avez pas perdu votre temps. »

Mais Lepailleur ne put retenir un rire goguenard. Et, avec la familiarité du paysan vis-à-vis du bourgeois qu’il sait gêné :

« Alors, ça vous en fait cinq, monsieur. Ce n’est pas nous autres, pauvres gens, qui pourrions nous permettre ça.

— Pourquoi donc ? demanda tranquillement Mathieu. Est-ce que vous n’avez pas ce moulin, est-ce que vous n’avez pas des champs, pour occuper les bras qui viendraient et dont le travail doublerait, triplerait vos produits ? »

Ces simples mots furent comme un coup de fouet, sous lequel Lepailleur se cabra. Une fois de plus, il lâcha toute sa rancune. Ah ! sûrement, ce n’était pas sa patraque de moulin qui l’enrichirait, puisqu’il n’avait enrichi ni son grand-père ni son père ! Et quant à ses champs, sa femme lui avait apporté là une belle dot, des champs où plus rien ne voulait pousser, qu’on avait beau arroser de sueur, sans en pouvoir tirer les frais de fumier et de semence !

« D’abord, reprit Mathieu, votre moulin, il faudrait le réparer, remplacer le vieux mécanisme, ou mieux encore mettre là une bonne machine à vapeur.

— Réparer mon moulin ! mettre une machine à vapeur ! Mais c’est fou ! Et pourquoi faire ? puisque je chôme déjà un mois sur deux, depuis que le pays a presque renoncé au blé !

— Ensuite, continua Mathieu, si vos champs rapportent moins, c’est que vous les cultivez mal, d’après toute une routine condamnée, sans soins, sans machines, sans engrais.

— Encore des machines, encore ces farces qui ont achevé de ruiner le pauvre monde ! Ah ! je connais ça, je