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Pourquoi donc ne s’adressait-il pas à la terre, à l’éternelle nourrice ? Pourquoi donc ne défrichait-il pas, ne fécondait-il pas ces immenses terrains, ces bois, ces landes, ces pierrailles, qui l’entouraient et qu’on laissait stériles ? Pourquoi donc, puisqu’il était juste que chaque homme apportât sa richesse, créât sa subsistance, n’enfanterait-il pas, avec chaque enfant nouveau, le nouveau champ de terre féconde qui le ferait vivre, sans rien coûter à la communauté ? Et c’était tout, rien ne se précisait davantage, la réalisation s’envolait dans le plus beau des songes.

Les Froment étaient ainsi à la campagne depuis un grand mois, lorsque Marianne, complètement remise, vint un soir jusqu’au pont de l’Yeuse, en poussant devant elle la petite voiture de Gervais, pour y attendre Mathieu, qui devait rentrer de bonne heure. Il fut là, en effet, avant six heures. Et elle eut l’idée, par ce beau soir, de faire un léger détour, de passer au moulin des Lepailleur, en aval de la rivière, dans le désir de leur acheter des œufs frais.

« Je veux bien, dit Mathieu. Tu sais que je l’adore, leur vieux moulin romantique. Ce qui n’empêche pas que je le jetterais par terre, pour le remettre à neuf, avec une bonne machine, s’il était à moi. »

Dans la cour de l’antique construction, à demi couverte de lierre, d’un charme de légende, avec sa roue moussue dormant parmi les nénuphars, ils trouvèrent le ménage, l’homme roux, grand et sec, la femme aussi sèche, aussi rousse que lui, tous les deux jeunes et durs. L’enfant, Antonin, assis par terre, faisait un trou, de ses petites mains.

« Des œufs ? dit la Lepailleur, certainement, madame, il doit y en avoir. »

Elle ne se hâta point, regarda Gervais, endormi dans la voiture.