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vivante : l’enfant au sein de la mère. C’était l’enfantement qui continuait, la mère se donnait encore toute pendant de longs mois, achevait de créer l’homme, ouvrait la fontaine de sa vie qui coulait de sa chair sur le monde. Elle n’arrachait de ses entrailles l’enfant nu et fragile que pour le reprendre contre sa gorge tiède, nouveau refuge d’amour, où il se réchauffait, où il se nourrissait. Et rien n’apparaissait plus simple ni plus nécessaire. Elle seule, pour leur beauté, pour leur santé à tous deux, était normalement la nourrice, après avoir été la créatrice. Il n’y avait ainsi, dans l’allégresse, dans l’espérance infinie qu’ils épandaient autour d’eux, que la naturelle grandeur de tout ce qui pousse sainement, logiquement, élargissant la moisson humaine.

À ce moment, Zoé, qui, après avoir rangé la chambre, remontait avec un gros bouquet de lilas dans un pot, annonça que M. et Mme Angelin, au retour d’une promenade matinale, étaient en bas, demandant des nouvelles de Madame.

« Faites-les monter, dit gaiement Marianne. Je puis recevoir. »

Les Angelin étaient ce jeune ménage d’amoureux, qui, installés dans une petite maison de Janville, couraient si passionnément les sentiers solitaires, remettant l’enfant à plus tard, pour ne pas en embarrasser, en gâter leur vie errante d’égoïstes caresses. Elle était délicieuse, brune, grande, bien faite, avec un continuel air de joie, une adoration du plaisir. Lui, beau garçon, blond et carré des épaules, avait la mine empanachée d’un mousquetaire, les moustaches et la barbiche au vent. Outre les dix mille francs de rente qui leur permettaient de vivre libres, il gagnait quelque argent, en peignant des éventails aimables, fleuris de roses et de petites femmes joliment campées. Aussi leur existence, jusque-là, n’avait-elle été qu’une partie d’amour, un continuel gazouillement.