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« Voyons, répéta-t-il, je puis bien m’occuper un peu de l’enfant, pendant que tu te reposes. Tu l’as assez sur les bras du matin au soir. Et puis, si tu savais quel plaisir j’ai à revivre ici avec toi, avec le cher petit, dans cette chambre ! » Il s’approcha pour la baiser doucement, elle lui rendit son baiser, en riant de nouveau. C’était vrai que tous deux s’y retrouvaient dans l’enchantement. N’était-ce pas la chambre où ils s’étaient aimés, la saison dernière, où ils avaient eu la nuit heureuse, la nuit féconde ? Le printemps hâtif la dorait d’une allégresse, toute tiède, grande ouverte sur le vaste ciel, sur la campagne renaissante, frémissante de sève. Et comme elle leur paraissait vivante et gaie, pleine encore de leur souvenir d’amour, maintenant que l’enfant y fleurissait près d’eux !

Marianne se pencha sur le berceau, qui était à côté d’elle, au bord du lit même.

« C’est que M. Gervais dort à poings fermés. Regarde-le donc ! Tu ne vas pas avoir le cœur de le réveiller. »

Alors, tous deux restèrent un instant à le regarder dormir. Elle avait pris son mari au cou, elle s’abandonnait contre lui, leurs chevelures mêlées, leurs haleines confondues, riant d’aise au-dessus de ce berceau, dans lequel reposait la frêle créature. C’était un bel enfant, déjà blanc et rose ; mais il fallait être le père et la mère pour s’occuper ainsi de ce balbutiement, cette ébauche, à peine finie, où vacillaient les formes. Puis, comme il ouvrait ses yeux, sans regard encore, restés pleins du mystère d’où il venait, ils se récrièrent d’émotion.

« Tu sais qu’il m’a vue !

— Certainement. Et moi aussi, il m’a regardé, il a tourné la tête.

— Oh ! le chérubin ! »

Ce n’était qu’une illusion. Mais cette chère petite