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tout de suite, il remarqua que la garde était seule.

— « Comment ! le docteur Boutan n’est pas encore là ?

— Non, monsieur, il n’est venu personne… Madame souffre beaucoup. »

Mathieu s’était approché de Marianne, qui, très pâle, les yeux fermés, semblait en effet dans les affres des grandes douleurs. Il s’emporta, raconta qu’il y avait deux heures bientôt que le docteur lui avait promis d’accourir tout de suite.

— « Et moi, ma chérie, qui te laisse si longtemps seule ! Je croyais que tu l’avais auprès de toi… Mme Séguin était délivrée, il devrait être ici. »

Lentement, Marianne avait ouvert les yeux, s’était efforcée de sourire. Mais elle ne put parler immédiatement, elle finit par dire doucement, d’une voix entrecoupée :

— « Pourquoi te mets-tu en colère ? S’il ne vient pas, c’est qu’il y a eu quelque complication… D’ailleurs, que me ferait-il ? Il faut attendre. »

Et une telle crise lui coupa la parole, que tout son corps en fut secoué, soulevé, tandis que des plaintes profondes lui échappaient. De grosses larmes ruisselèrent sur ses joues.

— « Oh ! chérie, chérie, murmura Mathieu, pleurant lui aussi, est-ce possible que tu souffres à ce point ! Moi qui espérais que tout se passerait si bien !… La dernière fois, tu n’as pas eu de pareilles douleurs. »

Elle se calmait, elle retrouva son bon sourire.

— « La dernière fois, j’ai bien cru qu’il ne resterait pas grand-chose de mon pauvre ventre. Tu ne te souviens plus. Va, c’est toujours la même chose, il faut payer durement sa joie. Mais ne t’inquiète pas, tu sais que je suis si heureuse de tout accepter… Mets-toi là, près de moi, et ne parle plus. Le moindre ébranlement aggrave les crises. »