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avions dépensé beaucoup trop. Puis, est venue cette histoire du Crédit national, l’espoir enfin d’une prompte fortune. Alors, quand je l’ai vue folle, à l’idée de m’embarrasser d’un second enfant, je suis devenu fou comme elle, j’ai fini par croire que l’unique salut était de supprimer le pauvre petit… Et elle est là, mon Dieu ! Et vous savez, c’était un garçon, nous qui en avions tant désiré un, qui n’avons agi que dans la certitude d’une fille, de crainte d’avoir à la doter ! Et le petit n’est plus, et elle n’est plus, c’est moi qui les ai tués. Je n’ai pas voulu que l’enfant vive, et l’enfant a emporté la mère. »

Cette voix sans larmes, sans violence, pareille à un glas lointain, déchirait Mathieu. Il cherchait en vain des consolations, il parla de Reine.

— « Ah ! oui, vous avez raison, Reine, je l’aime beaucoup. Elle ressemble beaucoup à sa mère… Vous allez me la garder chez vous jusqu’à demain, n’est-ce pas ? Ne lui dites rien, laissez-la jouer, je lui apprendrai moi-même le malheur… Et je vous en supplie, ne me tourmentez pas, ne m’emmenez pas d’ici. Je vous promets d’être très sage, je vais rester là, tranquillement, à la veiller. On ne m’entendra même pas, je ne gênerai personne. »

Puis, sa voix s’embarrassa, s’étrangla davantage, il ne bégaya plus que des phrases confuses, dans le rêve de sa vie écroulée.