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pour la campagne, venez donc passer un dimanche à Janville. Ma femme serait si heureuse de vous avoir, de vous montrer notre campement !

Et il plaisanta sur le dénuement du pavillon écarté qu’ils occupaient, raconta qu’ils n’avaient encore qu’une douzaine d’assiettes et cinq coquetiers. Mais Beauchêne connaissait le pavillon, car il chassait par là tous les hivers, il avait une part dans la location des vastes bois, dont le propriétaire avait mis la chasse en actions.

— Vous savez bien que Séguin est mon ami. J’y ai déjeuné, dans votre pavillon. C’est une masure.

À son tour, Constance, que l’idée d’une telle pauvreté rendait moqueuse, se rappela ce que madame Séguin, Valentine, comme elle la nommait, lui avait dit du délabrement de cet ancien rendez-vous de chasse. Le docteur, qui écoutait en souriant, intervint.

— Madame Séguin est une de mes clientes. Lors de ses dernières couches, je lui avais conseillé d’aller l’habiter, ce pavillon. L’air y est admirable, les enfants doivent pousser là comme du chiendent.

Du coup, avec son rire sonore, Beauchêne reprit sa plaisanterie ordinaire.

— Ah bien ! mon cher Mathieu, méfiez-vous ! à quand votre cinquième ?

— Oh ! dit Constance d’un air offensé, ce serait une vraie folie. J’espère que Marianne va s’en tenir là… Vraiment, cette fois, vous seriez sans excuse, sans pardon.

Et Mathieu entendait bien ce qu’ils voulaient dire tous les deux. Ils les prenaient, Marianne et lui, en dérision, en une pitié où il entrait de la colère, ne comprenant pas que, de gaieté de cœur, on pût se mettre ainsi dans la gêne. La venue de leur dernière, la petite Rose, avait déjà tellement augmenté leurs charges, qu’ils avaient dû se réfugier à la campagne, au fond d’un taudis de pauvres. Et ils commettraient cette imprudence suprême, d’avoir