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sentir aux gens leur complicité, en leur laissant entendre que, s’ils étaient assez sots pour dénoncer le crime par quelque imprudence de paroles, ils seraient les premiers poursuivis et condamnés.

— « Il faut respecter l’effroyable douleur de mon pauvre ami, répondit-il froidement. Je n’aurai besoin de lui rien dire pour qu’il agisse selon la raison, car il a sûrement déjà fait toutes les parts, dans l’horrible attentat qui l’accable. »

Il y eut un silence. Mme Rouche le regardait de son air tranquille, et un invincible sourire montait à ses lèvres minces.

— « Je vois bien, monsieur, que vous me prenez pour une criminelle, une assassine… Ah ! si vous aviez été là, lorsque ce pauvre monsieur est venu avec sa dame ! Ils ont sangloté comme des enfants, ils se sont jetés à mes genoux, parce que d’abord je ne voulais pas. Et quels remerciements, quelles promesses d’éternelle reconnaissance, quand j’ai fini par consentir ! Les choses ont mal tourné, une mauvaise conformation sans doute m’a trompée, à tel point qu’un grand malheur s’en est suivi. Est-ce que je ne suis pas la première désespérée et menacée ? Est-ce que vous croyez que je n’ai pas mon chagrin et mes craintes ? Qu’ils restent chez eux, les maris et les femmes qui n’acceptent pas les risques, après avoir offert leur fortune ! »

Elle s’animait, toute sa petite personne frémissait de conviction.

— « Mais ce que j’ai fait, toutes les sages-femmes le font ! Mais tous les médecins le font aussi ! Mais je défie bien une de nous de ne pas le faire, devant les confidences lamentables que nous recevons chaque jour !… Ah ! monsieur, si je pouvais vous cacher dans ce cabinet, si vous entendiez les malheureuses qui s’y présentent, vos idées changeraient. Une pauvre petite commerçante me