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— « Que monsieur m’excuse si je l’interroge… Est-ce que monsieur pourrait me dire si Madame est accouchée, elle aussi ? »

Et, quand il eut répondu que Mme Séguin devait être délivrée à présent, mais qu’elle avait souffert pendant près de quarante-huit heures :

— « Ah ! ça ne m’étonne pas, Madame est si délicate… Je suis contente tout de même. Merci, monsieur. »

À ce moment, Mme Rouche entra, referma la porte sans bruit de son air furtif. L’appartement, après les cris de terreur sourde qui l’avaient traversé, était retombé à un silence de mort. Elle vint s’asseoir devant son petit bureau, s’y accouda, l’air paisible et bienveillant toujours, après avoir très poliment prié Mathieu de bien vouloir prendre une chaise. D’un geste, elle avait dit à Céleste de rester là : c’était une amie, une confidente, une fille sûre, devant laquelle on pouvait parler.

— « Monsieur, je n’ai pas même l’honneur de savoir votre nom, mais j’ai compris tout de suite que j’avais affaire à un homme distingué et raisonnable, qui connaît la vie. Et c’est pourquoi j’ai voulu vous dire en particulier que le désespoir de votre ami m’inquiète un peu, oh ! pour lui simplement. Cette nuit, vous n’imaginez pas la crise de démence qu’il nous a fallu calmer. Je crains, si sa folie le reprend, qu’il ne se livre à des actes dont les dangereuses conséquences ne sauraient vous échapper. Certes, le coup qui le frappe est affreux, vous m’en voyez moi-même bouleversée, je n’ai pas pu fermer l’œil depuis ce malheur. Seulement, vous le comprenez bien, ce serait loin d’arranger les choses, s’il allait lui-même se mettre dans la peine, sous les plus grosses responsabilités, en criant son chagrin inutilement… Encore un coup, je vous jure que je songe plus à lui qu’à moi, parce que moi, oh ! mon Dieu ! je m’arrange toujours. »

Mathieu comprenait très bien. On ne faisait pas mieux