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Mais, dans le couloir, un vent de terreur passa, des cris sourds se firent entendre, un appel au loin retentit. Et, toujours sans s’émouvoir, elle ouvrit une porte, le poussa dans une pièce, en disant :

— « Veuillez m’attendre là. »

C’était le cabinet de la sage-femme, une étroite pièce, meublée de velours rouge usé, avec un petit bureau d’acajou, et dans laquelle une jeune femme en cheveux, une accouchée récente évidemment, tant elle était pâle encore, cousait d’une main nonchalante, allongée à demi au fond d’un grand fauteuil.

Lorsqu’elle leva les yeux, Mathieu eut l’étonnement de reconnaître Céleste, la femme de chambre de Mme Séguin. Elle-même tressaillit, stupéfaite de la rencontre, si effarée de cette apparition inexplicable, que ce cri d’aveu lui échappa :

— « Oh ! monsieur Froment !… Ne dites pas à Madame que vous m’avez trouvée ici. »

Il se souvint alors que, depuis trois semaines, Céleste avait obtenu de Valentine la permission d’aller passer quelques jours ; à Rougemont, son pays, près de sa mère mourante. Des lettres d’elle arrivaient régulièrement. Sa maîtresse lui avait même écrit, exigeant qu’elle fût là pour ses couches, mais la femme de chambre avait répondu que sa mère étant à toute extrémité, elle ne pouvait la quitter ainsi, attendant d’une heure à l’autre une mort, qui n’était d’ailleurs pas venue. Et il trouvait cette fille chez la Rouche, accouchée d’une semaine au plus.

— « C’est vrai, monsieur, j’étais grosse. J’ai bien vu, un jour, que vous vous aperceviez de quelque chose. Il n’y a que les hommes pour voir ça. Jamais Madame n’a eu le moindre soupçon, tellement je m’arrangeais bien. Alors, n’est-ce pas ? ca m’ennuyait de perdre ma place, et j’ai dit que maman était malade : c’est une amie, la Couteau, qui reçoit les lettres, là-bas, et qui met mes réponses à la poste… Sans doute, ce n’est pas beau de mentir, mais que voulez-vous que nous devenions, des pauvres filles comme nous, à qui des lâches et des parjures ont la saleté de