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Dans le vestibule, sans songer à revoir sa fille, Morange n’avait pas cessé de piétiner, de se dévorer d’anxiété et d’impatience.

— « Vous y êtes ? Vous y êtes ? répétait-il de son air hagard. Mon Dieu ! dépêchons-nous ! »

Puis, dans le fiacre, il tomba brisé, anéanti, les yeux clos, une main sur la face. Mathieu, avant de monter, lui avait demandé s’il pouvait passer par l’avenue d’Antin ; et, sur sa réponse que c’était le chemin justement, il avait donne l’adresse des Séguin au cocher. Devant l’hôtel, il descendit, en s’excusant. Il sut par une femme de chambre que Madame venait enfin d’être délivrée, mais que les choses ne semblaient pas finies ; et il se rassura pourtant, lorsque Boutan lui eut fait dire qu’avant une heure il serait près de Mme Froment.

Comme il était remonté dans le fiacre, le cocher se pencha pour demander l’adresse.

— « Cet homme vous demande l’adresse.

— L’adresse, l’adresse… Ah ! oui, c’est vrai. Rue du Rocher, dans le bas, l’endroit où ça monte. Je ne sais pas le numéro. Il y a une boutique de charbonnier. »

Mathieu comprit. Il avait vu, il savait. Déjà, lorsque Morange, à demi fou, était entré, disant que sa femme se mourait, il avait senti le froid du crime, dans le frisson qui lui passait sur la face. C’était chez la Rouche que se mourait Valérie.

Sans doute, Morange sentit la nécessité de l’aveu, de quelques explications du moins. Il sortit de son mutisme, sa fièvre d’agitation le reprit. Mais il ne put se résoudre d’abord à la vérité, il commença par essayer de mentir.

— « Oui, Valérie était allée chez une sage-femme, pour que celle-ci la visitât. Et, pendant l’examen, voilà qu’une perte s’est déclarée, si forte, qu’il a été impossible d’arrêter le sang.

— Vous n’avez donc pas fait appeler un médecin ? »