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en mêlent, c’est certain… Ça n’empêche que la maison est bien comme il faut. » Il y eut un nouveau silence. Puis, elle continua sans transition :

— « Si encore j’avais pu travailler jusqu’au dernier jour ! Mais, cette fois, mon pauvre ventre est dans un tel état, que j’ai dû lâcher tout travail depuis deux semaines. Et il ne va pas falloir que je me dorlote, je filerai d’ici, même pas guérie, dès que je pourrai marcher. Les petiots, là-bas, m’attendent… Vous me donnez le regret de n’être pas allée la trouver, votre sale femme. Elle m’aurait débarrassée. Où donc demeure-t-elle, celle-là ?

— Mais c’est la Rouche, que toutes les bonnes et toutes les filles du quartier connaissent bien. Elle a son trou dans le bas de la rue du Rocher, une maison infecte où je n’oserais plus entrer en plein jour, maintenant que je sais les horreurs qui s’y passent. »

Elles se turent et s’en allèrent. Mme Bourdieu venait de paraître sur le seuil de son cabinet. Et, comme Mathieu ne se leva pas, caché par le dossier du grand fauteuil, Valérie entra chez la sage-femme.

Il l'avait vue, les yeux ardents, écouter de nouveau les dernières paroles des deux femmes. Il laissa tomber le journal sur ses genoux, il se perdit dans une rêverie affreuse, hanté par les histoires de ces femmes, frissonnant à la pensée de tout ce qui s’agitait de monstrueux, au fond de l’ombre. Quel temps s’écoula ? il n’en eut pas conscience, il fut tiré de ses réflexions par un bruit de voix.

Mme Bourdieu reconduisait Valérie. Elle avait sa bonne figure grasse et fraîche, souriait même d’un air maternel ; tandis que la jeune femme, frémissante, devait avoir sangloté, le visage brûlant de chagrin et de honte.

— « Vous n’êtes pas raisonnable, ma chère enfant, vous me dites des folies, que je ne veux pas entendre. Rentrez vite chez vous, et soyez sage. »