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tombées là de l’inconnu, pour n’être plus que des créatures dolentes, égales par la misère et par la faute. Des trois qui étaient en présence, deux sans doute choyaient l’autre, avec un attendrissement respectueux d’inférieures, mais celle-ci pourtant, qui avait reçu une belle instruction, qui jouait du piano, les traitait volontiers en amies, causant pendant des heures, allant jusqu’à leur dire ses petits secrets.

Ce fut ainsi que toutes trois, après avoir oublié Mathieu, en vinrent vite à échanger les commérages de la maison.

— « Vous savez, dit Victoire, que Mme Charlotte, la dame si distinguée qui occupe la chambre voisine, a été accouchée cette nuit.

— Il aurait fallu être sourde, pour ne pas l’entendre », fit remarquer Norine.

Mlle Rosine eut un de ses airs candides.

— « Moi, je n’ai rien entendu.

— C’est que notre chambre sépare sa chambre de la vôtre, expliqua Victoire. Mais ce n’est pas tout ça. Le drôle, c’est que Mme Charlotte va partir tout à l’heure. On est allé lui chercher un bon fiacre. »

Les deux autres se récrièrent. Elle voulait donc se tuer ! Une femme dont l’accouchement paraissait avoir été si pénible, et qui toute blessée, toute sanglante encore, se levait, prenait un fiacre rentrait chez elle ! C’était la péritonite sûre. Elle était donc folle ?

« Dame ! reprit la petite bonne, quand on ne peut pas faire autrement, à moins des plus grands malheurs. Vous pensez bien que la pauvre dame préférerait rester tranquille dans son lit. Mais vous vous rappelez l’histoire qui a couru… N’est-ce pas mademoiselle Rosine, que vous en savez long, puisque cette dame vous avait prise en affection et vous racontait sa vie ? »

En effet, Rosine dut convenir qu’elle savait beaucoup de choses. Et ce fut encore une poignante histoire que