Page:Zola - Fécondité.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lui quelque linge, même un peu d’argent de poche, dix francs par mois. Et il voulait porter les premiers dix francs à la pauvre fille.

Neuf heures sonnaient à peine, lorsque Mathieu se présenta rue de Miromesnil. Une servante, qui était montée pour avertir Norine, redescendit dire qu’elle l’avait trouvée encore au lit, mais que Monsieur pouvait venir, parce que Madame était seule couchée dans la chambre. Et elle le fit monter à son tour, elle ouvrit une porte, au troisième étage, en disant :

« Madame, voilà Monsieur. »

En reconnaissant Mathieu, Norine eut un de ses grands rires gouailleurs de belle fille.

— « Vous savez qu’elle vous prend pour le papa ! Et c’est tant pis que ce ne soit pas vrai, parce que vous êtes très gentil, vous ! »

D’ailleurs, ses beaux cheveux blonds soigneusement peignés, serrés en un gros chignon, elle avait mis une camisole, elle était assise sur son séant, dans son lit, avec deux oreillers derrière le dos, très propre, très blanche, en grande fille décente et bien sage.

Elle ramena même le drap, pour ne rien montrer de sa nudité d’un de ces gestes instinctifs de pudeur, qui disaient ce qu’il y avait en elle de candeur encore, dans sa chute.

— « Vous êtes donc malade ? demanda-t-il.

— Mais non, je me dorlote. Il est permis de rester couchée, alors je fais les grasses matinées. Ça me change, moi qui me levais à six heures, par un froid de chien, pour aller à la fabrique… Vous voyez j’ai du feu ; et puis, regardez la chambre, je suis là comme une princesse. »

Il regarda. C’était une assez vaste chambre, à papier gris perle, semé de fleurettes bleues. Les trois petits lits de fer étaient placés, deux côte à côte, et le troisième en travers, séparés les uns des autres par une table de nuit et une chaise. Il y avait une commode, une armoire, un