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affolés crièrent, se querellèrent, en s’accusant mutuellement d’avoir forcé l’enfant à sortir le matin par une gelée pareille : c’était évidemment cette promenade imbécile qui l’avait glacé, ils le disaient du moins, afin de calmer leur inquiétude. Constance, surtout, pendant qu’elle tenait son fils entre ses bras, le vit mort. Pour la première fois, le frisson terrible passait, elle se dit qu’il pouvait mourir. La mère, en elle, eut un déchirement au cœur, une telle douleur atroce, que son ardente maternité lui fut presque une révélation. Mais la femme ambitieuse, celle qui rêvait la royauté par ce fils, l’unique héritier, le prince futur de la fortune amassée, décuplée, souffrit aussi horriblement. Si elle le perdait, elle n’aurait donc plus d’enfant ? Et pourquoi n’en avait-elle pas un autre ? Et quelle était cette obstination imprudente à refuser, par tous les moyens, d’en avoir un autre ? Ce regret la traversa comme d’un éclair fulgurant, elle en sentit l’irréparable brûlure, jusqu’au fond de sa chair. Cependant Maurice était revenu à lui, il mangea même avec assez d’appétit. Beauchêne, tout de suite, s’était remis à hausser les épaules, en plaisantant les terreurs déraisonnables des femmes. Les jours suivants, Constance elle-même n’y pensa plus.