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la dépréciait, la disait un simple déjeuner de soleil, avec sa beauté du diable, comme s’il n’avait plus compris sa bêtise d’être descendu à un caprice pareil.

Le patron reparut, vaniteux, autoritaire, dans ce cri de superbe inconscience :

—« Coucher avec une de ses ouvrières passe encore, et c’est déjà très bête ; mais avoir un enfant avec elle, ah ! non, non, c’est trop idiot, on se ficherait de moi, je serais coulé ! »

Il n’en était plus cependant aux violentes affirmations ; et, inquiet de voir Mathieu se taire, attendre qu’il eût usé son premier emportement, pour plaider en faveur de la triste Norine, il s’effraya de ce silence, il se laissa tomber sur une chaise, soufflant, grondant.

—« Et puis, admettons encore la chose, je veux bien un instant que je me sois oublié. Ça, c’est vrai : quand on a dîné gaiement, des fois, on ne sait plus ce qu’on fait. Mais, même dans ce cas, est-ce que ça suffit pour que cette coureuse me mette son enfant sur le dos ? Un enfant ! mais ça la regarde, tant pis pour elle ! C’est le risque du métier… Qui me dit qu’à cette époque elle n’a pas vu deux ou trois hommes par semaine ? Allez donc vous reconnaître là-dedans ! Sûrement, elle-même ne sait pas de quel monsieur il est ce beau cadeau. Alors, moi, bonne bête, comme je suis là, comme elle a un prétexte pour me fourrer dans l’affaire, elle organise sa petite histoire. Un homme riche, un patron qui reculera devant le scandale, on en tirera une fortune… Du chantage, mon ami, du chantage, et pas autre chose ! »

Un gros silence régna. Mathieu s’était mis à marcher à son tour, dans le bureau, qu’un grand poêle de faïence chauffait fortement. Il attendit encore avant de parler, tandis que, sous le plancher frémissant, on entendait le branle continu de l’usine en travail. Et il dit enfin ce qu’il avait à dire, le plus simplement du monde : sa conviction