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Mathieu eut un soupçon.

— Peut-être que le père de l’enfant finira par venir à son secours.

— Oh  ! croyez-vous  ? répondit le comptable, souriant d’un air triste qui en avouait long. Moi, je ne veux rien dire, je n’ai pas à m’en mêler. Mais, naturellement, on a des yeux, on tombe parfois sur des histoires qu’on aurait préféré ne pas connaître… Tout cela est bien vilain. La faute en est à la nature, qui a si mal arrangé les choses : un enfant tout de suite, pour une minute de plaisir, dont on a la bêtise de ne pas savoir se passer. Vraiment, ça gâte l’existence.

Et Morange, avec un geste de philosophe désenchanté, se remit plein d’accablement, à sa besogne de comptable ; tandis que Mathieu regagnait enfin son bureau.

L’après-midi, quelques heures plus tard, au retour du déjeuner comme il s’y trouvait seul, absorbé dans le croquis d’une semeuse nouvelle, il tressaillit, en entendant tout d’un coup derrière lui une toux légère. C’était une fillette d’environ douze ans, qui avait dû entrer, puis refermer la porte sans bruit, et qui se tenait là, depuis longtemps peut-être, avant d’oser lui adresser la parole.

— Qui es-tu  ? Que me veux-tu  ?

Elle ne se troubla pas, eut un discret sourire.

— Maman m’envoie pour vous dire que vous seriez bien bon, si vous vouliez descendre un instant.

— Mais qui es-tu  ?

— Je suis la petite Cécile.

— Cécile Moineaud  ?

— Oui, monsieur.

Mathieu comprit. Il devait s’agir de la déplorable histoire de Norine.

— Et où m’attend-elle, ta maman ?

— Elle vous attend dehors, dans une rue, là-bas derrière… Et elle m’a bien dit de vous dire que, si vous ne