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terre, la conversation que l’arrivée de la baronne avait interrompue.

— Vous disiez que vous avez vu de belles opérations, à la clinique du docteur Gaude.

Mais la baronne, de nouveau, l’air passionné, se jeta au travers.

— Le docteur Gaude ! vous le connaissez ? Oh ! cher monsieur, je vous en prie, parlez-moi de lui. J’entends dire partout que c’est un homme prodigieux.

Le romancier souriait complaisamment.

— Prodigieux, c’est bien le mot. J’avais besoin de notes pour une étude, et j’ai pu assister à sept ou huit opérations. D’ailleurs, vous savez qu’elles sont très courues, on y va comme au spectacle, j’ai retrouvé là tout le Paris des premières, et même quelques dames… Alors, Gaude vous prend une femme, deux femmes, trois femmes, et avec une maestria extraordinaire, avec un brio qu’on est tenté d’applaudir, il leur enlève tout, absolument tout, en un tour de main, sans que cela tire à aucune fâcheuse conséquence affirme-t-il. C’est étourdissant.

Le visage de Sérafine s’était empourpré d’une admiration ardente ; et, se tournant vers Valentine, qui écoutait avidement, elle aussi :

— Hein ? ma chère, ça donne envie d’y passer, pour ne plus être où vous en êtes… Un magicien, c’est bien ainsi qu’on l’a nommé devant moi. Et beau garçon, paraît-il, toujours joyeux et solide. Voilà un homme !

— Mais, demanda Mathieu, qui avait frémi, les femmes qu’il opère sont malades ?

— Sans doute, répondit Santerre, dont cette question redoubla ironique gaieté. Du moins, il le dit.

Jusque-là, Séguin s’était contenté d’accentuer son petit rire mauvais, en échangeant des coups d’œil d’intelligence avec le romancier. Leur désespérance littéraire, leur souhait d’une rapide extermination humaine recevait,