mépris et lui faire entendre qu’elle se vengerait un jour. Un nouveau froid passa parmi les fleurs de la table.
Puis, pendant que Valentine et Marianne se remettaient, invinciblement, à causer entre elles de leur position, de leurs craintes et de leurs espoirs, Séguin acheva de soulager son amertume en confiant à Mathieu ses ennuis, au sujet de son vaste domaine de Chantebled. Le gibier y devenait de moins en moins abondant, il plaçait plus difficilement les actions de chasse, ses revenus diminuaient d’année en année. Aussi ne cachait-il pas qu’il serait très heureux de se débarrasser de Chantebled ; mais où trouver un acquéreur pour ces bois si peu productifs, pour ces immenses terrains stériles, des marécages et des champs de cailloux ? Mathieu écoutait avec attention, car il s’était intéressé à ce domaine, pendant ses longues promenades du dernier été.
— Vous croyez vraiment, demanda-t-il, qu’on ne peut le livrer à la culture ? … Ça fait pitié, toute cette terre qui dort.
— Le livrer à la culture ! s’écria Séguin. Ah ! je voudrais voir ce miracle. On n’y récoltera jamais que des pierres et des grenouilles.
On était au dessert, et Marianne rappelait à Valentine qu’elle avait promis de faire venir les enfants, disant qu’elle serait si heureuse de les voir et de les embrasser, lorsqu’un incident se produisit, qui les fit oublier de nouveau.
Le maître d’hôtel s’était approché de la maîtresse de la maison, pour lui dire à demi-voix :
— C’est monsieur Santerre qui demande si Madame peut le recevoir.
Elle eut un cri d’heureuse surprise.
— Ah ! il se souvient donc de nous ? … Oui, oui, faites entrer.
Et, lorsque Santerre se fut approché pour lui baiser la