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Elle s’était excusée, avec un sourire dolent, de ne pas prendre le bras de Mathieu, priant les deux hommes de passer les premiers, de laisser les deux femmes s’arranger à leur guise. Et la table était disposée de façon qu’elles y fussent toutes deux à l’aise, assises commodément, les jambes libres.

En n’apercevant que quatre couverts, Marianne ne put s’empêcher de poser une question, qu’elle avait eue déjà sur les lèvres :

— Et vos enfants, je ne les ai pas vus encore. Ils ne sont pas souffrants au moins ?

— Oh ! non, Dieu merci ! répondit Valentine. Il ne manquerait plus que cela… Le matin, ils ont leur institutrice, ils travaillent jusqu’à midi.

Alors, Mathieu, dont les yeux s’étaient rencontrés avec ceux de Marianne, osa demander à son tour :

— Vous ne les faites donc pas déjeuner avec nous ?

— Ah ! pour cela, non ! s’écria Séguin, d’un air de colère. C’est bien assez de les supporter quand nous sommes seuls. Des enfants, rien n’est plus intolérable, lorsqu’on a du monde. Et vous n’imaginez pas combien ceux-là sont mal élevés.

Un léger froid se fit, il y eut un silence, pendant que le maître d’hôtel présentait des œufs farcis aux truffes.

— Vous les verrez, reprit doucement Valentine. Je les ferai venir au dessert.

Le déjeuner, malgré le caractère d’étroite intimité que lui donnait cette mise en présence des deux jeunes femmes enceintes, fut très recherché, très luxueux. Après les œufs, il y eut des rougets grillés, un salmis de bécasses et des écrevisses. Comme vins, on servit tout le temps de la tisane de champagne frappée, du bordeaux blanc et du bordeaux rouge.

Sur la remarque que ce n’était pas là un régime que le docteur Boutan approuverait, Séguin haussa les épaules.