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d’un mois, parlant de sa pauvre mère qui était très malade, à Rougemont, et qu’elle désirait tant revoir, pour lui fermer les yeux.

— Oh ! reprit-elle en affectant un air naïf, ce que j’en dis, c’est parce qu’on me l’a dit. Je n’en sais bien sûr rien par moi-même.

Décidément, cette grande fille brune, à tête chevaline, à la chair fraîche et provocante, n’inspirait aucune confiance à Mathieu, qui la trouvait singulièrement renseignée sur les sages-femmes. Il continuait à la regarder avec un sourire, où elle lisait nettement ce que ce monsieur pensait d’elle.

— Mais, demanda Marianne, pourquoi donc la mercière, dont vous parlez, ne garde-t-elle pas son enfant ?

La Couteau jeta un coup d’œil oblique, noir et dur, sur cette dame enceinte, qui, si elle s’y refusait pour son compte, aurait bien dû laisser les autres libres de faire aller le commerce.

— Eh ! c’est impossible ! s’écria Céleste, heureuse de la diversion. Comment voulez-vous que madame Menoux garde son enfant avec elle, dans sa boutique qui est grande comme ma poche ? Derrière, elle n’a qu’une petite pièce, où l’on couche, où l’on mange ; et encore cette pièce donne-t-elle sur une cour étroite, sans air et sans jour : l’enfant n’y vivrait pas une semaine. Puis, elle n’aurait même pas le temps de s’occuper de lui, toute la journée à son comptoir, n’ayant jamais eu de bonne, forcée de faire la cuisine pour l’heure où son mari revient du musée… Allez, si elle pouvait, elle serait si heureuse de le garder, son enfant ! Ils s’aiment tant, ils sont si gentils, dans ce ménage !

— C’est vrai, dit alors Marianne attristée, il y a de pauvres mères que je plains de toute mon âme. Celle-là n’est pas dans la gêne, et à quelle cruelle séparation elle se trouve réduite ! … Moi, je ne vivrais plus, si l’on