dans les bals, buvant du champagne dans les soupers fins, au sortir des théâtres ; lui cachant ses crises de honteuse jalousie, affectant de mener leur existence ordinaire, avec une ironique insouciance. D’ailleurs, elle, qui n’avait encore aucun reproche à s’adresser, voulait garder son mari, plus par orgueil que par tendresse ; car, comme elle le lui disait parfois, il faisait bien tout au monde pour qu’elle prît enfin l’amant qu’il lui reprochait si grossièrement d’avoir ; et, si elle se torturait dans ses corsets, si elle risquait chaque soir une fausse couche, c’était afin de lutter, en femme menacée d’abandon, le jour où elle ne serait plus la gloriole et le plaisir. Mais, une nuit, au retour d’une première représentation, elle faillit mourir, et il lui fallut, à partir du lendemain, garder la chambre : ce fut la défaite, une pénible grossesse se déclara, qui ne lui laissa plus une heure sans souffrance. Dès lors, les rapports du ménage achevèrent de s’aigrir, tout ce dont elle avait senti la menace, se réalisa. Lui, d’exécrable humeur, ne pouvait rester près d’elle, sans se quereller. Cette femme malade, enlaidie, maladroite au plaisir, l’exaspérait. Elle lui répugnait même, il sortit davantage, reprit bientôt des habitudes de garçon. La passion du jeu, qui couvait en lui, se ralluma, avec une violence d’incendie mal éteint. Il découcha, passa des nuits au cercle. Puis, ce furent les femmes qui le reprirent, des filles qui ne faisaient pas la bêtise de se laisser engrosser, qui restaient amusantes et belles, désirables. Quand on n’a plus, chez soi, de femme possible, il faut bien aller en chercher d’autres, ailleurs. Et, dès qu’il rentrait et qu’il retombait dans ses crises de jalousie, il l’aurait tuée, cette misérable épouse souffrante, dont le ventre lui semblait une moquerie et un affront.
Vers onze heures un quart, Céleste reparut.
— C’est Monsieur ? demanda vivement Valentine, en laissant tomber son livre.