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Valentine était une cause d’orages continuels dans le ménage. D’abord, Séguin s’était brutalement emporté, criant que cet enfant ne pouvait pas être de lui : il se disait convaincu d’avoir pris les plus minutieuses précautions, il accusait nettement sa femme de coucher avec un amant ; et une jalousie de charretier, furieuse et basse, éclatant en mots ignobles, en menaces de coups, s’était révélée chez cet homme sceptique qui affectait l’élégante insouciance du pessimisme le plus raffiné. Il y eut des scènes effroyables. Puis, la femme éplorée exigea que le docteur Boutan fût pris pour arbitre. Mais il eut beau, après avoir interrogé le mari à part, lui expliquer comment ses précautions si minutieuses avaient pu ne pas suffire, lui citer vingt cas où dans des conditions pareilles, il y avait eu grossesse, celui-ci n’en démordait pas, ne semblait ébranlé un instant que pour reprendre ses accusations abominables, dès que le médecin était parti. Il tempêtait contre ce dernier, allait jusqu’à le dire complice, exaspéré surtout de la sévère leçon qu’il recevait, au sujet des fraudes ; car c’était bien de ces pratiques coupables que venait tout le mal, la cruelle situation où se débattait le ménage : si le mari n’avait pas fraudé, il n’aurait pas eu au cœur ce doute affreux que son enfant n’était peut-être pas de lui. Naturellement, le bon docteur, qui accusait les fraudes de tous les désastres, ne se faisait pas faute de l’accabler sous les conséquences sans nombre : la dépopulation, la dégénérescence de l’espèce, la famille corrompue d’abord, puis détruite, l’homme ne poursuivant plus que l’argent ou le plaisir, la femme détraquée, jetée à l’adultère. Et Séguin en gardait une irritation constante, d’autant plus vive, que de pareilles idées condamnaient tout ce qu’il avait cru et voulu jusque-là.

Cependant, le ménage continua sa vie mondaine : elle n’avouant pas sa grossesse, se serrant à étouffer, dansant