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rire, savante déjà sans doute, lorsque Ambroise vint crier à sa mère qu’elle était sa petite femme et que Rose était leur bébé. Marianne le fit taire, en voyant Valérie renfoncer de nouveau ses larmes. Puis, on goûta, les enfants dévorèrent.

Ce beau dimanche-là, dès neuf heures du soir, les enfants étaient déjà couchés, riant aux anges, lorsque Mathieu et Marianne s’enfermèrent dans leur chambre. Il voulut qu’elle se mît au lit tout de suite, il la borda, disposa les oreillers sous sa tête. Ensuite, jusqu’à dix heures, il veilla près d’elle, il lui fit une lecture, parce qu’elle devait prendre, à cette heure-là, une tasse de tilleul, qu’il s’entêtait chaque soir à préparer lui-même, en répétant qu’il n’avait pas besoin de la bonne. Quand elle eut vidé la tasse, il lui souhaita une bonne nuit, après lui avoir mis deux gros baisers fraternels sur les joues, car elle lui était sacrée, et ils en plaisantaient tendrement tous les deux, s’appelaient monsieur et madame. Son petit lit était prêt, il se déshabilla, éteignit la lampe, lui cria de dormir. Mais lui, l’oreille tendue, ne fermait pas les yeux, attendait d’être renseigné par son petit souffle régulier. Et que de fois il se relevait, rôdait autour d’elle, continuait à entourer son sommeil d’un culte religieux !

Marianne, pour qui Mathieu voulait des levers de reine, qu’il promenait au soleil d’hiver comme une belle princesse des contes, était servie et adorée par lui, le soir, dans leur chambre, ainsi qu’une divinité. C’était, plus haut et plus vrai que le culte de la vierge, le culte de la mère, la mère aimée et glorifiée, douloureuse et grande, dans la passion qu’elle souffre, pour l’éternelle floraison de la vie.