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exquises, très froide à l’ombre, toute dorée et comme veloutée aux endroits où l’astre déroulait ses nappes claires. Aussi, dehors, y avait-il beaucoup de monde, le Paris endimanché et badaud que le moindre rayon fait sortir en foule par les promenades. Si bien que Rose elle-même, égayée, réchauffée, se redressait, voulait montrer à tous ces gens qu’elle était une grande fille. On traversa le Champ de Mars, sans qu’elle songeât encore à se faire porter. Les trois garçons tapaient du pied sur la dalle des trottoirs, gelée et sonore. On défilait, c’était superbe.

Au bras de Mathieu, cependant, Marianne chancelait un peu. Elle était vêtue d’une robe de drap vert, en forme de blouse, qui dissimulait sa taille. Mais, très grosse déjà, elle savait bien que ça se voyait, elle en souriait elle-même avec une bonne grâce attendrie, en marchant comme elle pouvait, doucement, balancée sur ses hanches. Et elle était en vérité d’un charme touchant, infini, si belle de dignité riante, rendue plus adorable par cette lassitude, cet abandon de son corps, que la divine souffrance faisait auguste. Des promeneurs, frappés de sa beauté, se retournèrent, la suivirent des yeux. Puis, le nombre s’accrut des gens qui la remarquaient, qui se poussaient du coude, pour se la montrer. Ce qui aggravait la situation, c’était le pensionnat, devant elle. Déjà quatre enfants, un troupeau, et le cinquième en route ! Cela semblait drôle, donnait à rire. Quelques-uns même se fâchaient, témoignaient qu’une telle imprévoyance, étalée sur la voie publique, était d’un exemple déplorable. Derrière le ménage, il y eut dès lors de l’étonnement, de la risée, de la compassion. Ah ! la pauvre petite femme, si jolie, si jeune, et cinq enfants bientôt ! Le mari n’avait pourtant pas l’air d’un brutal. Et Mathieu, et Marianne, comprenaient bien, continuaient à se sourire, d’une impénitence brave, montrant sans honte, au plein jour de la rue, leur fécondité heureuse, dans leur tran-