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louer cette masure que six cents francs, ce n’est pas une raison pour que nous devions nous y laisser tremper comme sur la grand’route.

— Tiens ! j’aurais oublié… Je passerai chez lui, je te le promets.

Mais, à son tour, il l’avait prise dans ses bras, et l’au revoir se prolongeait, il ne s’en allait plus. Elle s’était remise à rire, elle lui rendait de gros baisers sonores. Entre eux, c’était tout un amour de belle santé, la joie de l’union totale et profonde, de n’être qu’une chair et qu’une âme.

— Va-t’en donc, va-t’en donc, chéri… Ah ! souviens-toi de dire à Constance qu’avant de partir pour la campagne, elle devrait venir passer un dimanche, avec Maurice.

— Oui, oui, je le lui dirai… À ce soir, chérie.

Il revint, la reprit d’une étreinte forte, lui posa un long baiser sur les lèvres, qu’elle lui rendit de tout son cœur. Et il se sauva.

D’ordinaire, en arrivant à la gare du Nord, il prenait l’omnibus. Mais, les jours où il n’y avait que trente sous à la maison, il faisait gaillardement le chemin à pied. C’était, d’ailleurs, un très beau chemin : la rue Lafayette, l’Opéra, les grands boulevards, la rue Royale puis, après la place de la Concorde, le Cours la Reine, le pont de l’Alma et le quai d’Orsay.

L’usine Beauchêne s’étendait tout au bout du quai d’Orsay, entre la rue de la Fédération et le boulevard de Grenelle. Il y avait là un vaste terrain en équerre, dont une des pointes, sur le quai, se trouvait occupée par une belle maison d’habitation, un hôtel de briques encadrées de pierre blanche, que Léon Beauchêne, le père d’Alexandre, le patron actuel, avait bâti. Des balcons, on apercevait, au delà de la Seine, sur le coteau, les maisons hautes de Passy, parmi des verdures ; tandis que, sur la droite, se dressaient les deux campaniles du palais