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LES QUATRE ÉVANGILES

plement, l’attraction qui régit les mondes. De la vaste terre, couchée dans l’ombre comme une femme aux bras de l’époux, montaient les délices du spasme générateur, le petit bruit des eaux heureuses, gonflées d’œufs par milliards, le soupir large des forêts, vivantes, bourdonnantes des bêtes en rut, des arbres en poussée de sève, le branle profond des campagnes que soulevait de partout l’éclosion des graines. Et, sans doute, que de graines perdues, que de semences desséchées ou pourries, un déchet immense comblé sans cesse par l’inépuisable nature. Mais jamais il n’avait mieux senti que si, chez la bête, chez la plante, la vie lutte contre la mort, avec une énergie acharnée, inlassable, l’homme seul veut la mort pour la mort. Dans ces campagnes de mai, toutes tièdes, toutes pâmées de l’étreinte féconde des choses et des êtres, il n’y avait à cette heure que deux amoureux volontairement inféconds, ce couple de meurtriers si gais et si charmants, qui s’embrassaient, là-bas, sur le bord de l’Yeuse, sous les saules, avec des raffinements de passion stérile, chantés par les poètes.

Alors, chez Mathieu, les réflexions, les raisonnements furent balayés, il n’y eut plus que le désir, l’insatiable et éternel désir qui a créé les mondes, qui les crée chaque jour encore, sans que la conception ni l’enfantement puissent s’attarder une seconde. Le désir, toute l’âme de l’univers est là, la force qui soulève la matière, qui fait des atomes une intelligence, une puissance, une souveraineté. Et même il ne raisonnait plus le désir, il était possédé par lui, emporté par lui, comme par l’invincible loi qui propage, qui éternise la vie. Il suffisait qu’il eût senti le petit souffle de Marianne immobile lui effleurer le cou, pour qu’une flamme s’allumât dans ses veines. Pourtant, elle était toujours anéantie, l’air glacé, les yeux clos, sans pouvoir dormir. Mais d’elle, quand même, émanait le triomphant désir, le satin nu de ses bras et de