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pour un baiser ; pendant qu’elle bégayait, mal à l’aise, dans une révolte inconsciente de chair et de cœur :

— Oui, sans doute, je sais bien… Comme il te plaira, tu as la charge de l’avenir…

Et elle éclata en sanglots, elle s’enfouit la tête dans sa poitrine, pour étouffer, des larmes, de grosses larmes dont il sentait le tiède ruissellement. Il était resté interdit, envahi à son tour d’une sorte de répugnance sourde, devant ce chagrin, dont elle n’aurait pu dire les profondes causes. Il s’en prit à lui-même, mécontent, désolé.

— Ne pleure pas, ma chérie… Je suis stupide, je suis un brutal et un vilain de te parler ainsi de ces choses, quand tu es là, gentiment, à me serrer dans tes bras. Tu réfléchiras, nous en recauserons… Et ne te fais pas de peine, endors-toi tranquille, tu sais, là, sur mon épaule, comme les soirs où nous nous aimons bien.

C’était en effet une habitude. Il la gardait ainsi, la tête sur son épaule, jusqu’à ce que la douce régularité de son souffle lui eût indiqué qu’elle dormait ; et, alors seulement, il la posait sur son oreiller avec précaution, sans la réveiller.

— Là, tu es bien, fais dodo… Je ne te tourmenterai pas.

Elle ne pleurait plus, elle ne disait rien, blottie contre son épaule, ramassée toute contre lui. Et il put espérer qu’elle s’endormirait de la sorte, tandis que lui, les yeux grands ouverts, continuait à réfléchir, en regardant le vaste ciel, où palpitaient les étoiles.

La lueur dont Paris incendiait l’horizon, là-bas, évoqua de nouveau la soirée ardente, d’où il était revenu si bouleversé. Maintenant, Beauchêne quittait Norine, retournait gaillardement au lit conjugal. Pourquoi donc, dans le récit de sa journée qu’il avait fait à Marianne, n’avait-il point osé lui conter cette aventure de Norine et du cousin