Page:Zola - Fécondité.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ici, car, auparavant, nous joignions encore les deux bouts, nous ne faisions pas de dettes… Hein ? qu’en penses-tu ?

Elle ne bougeait pas, elle ne dénouait pas les bras de fraîche caresse dont elle l’avait lié. Mais une attente inquiète avait ralenti les battements de sa gorge.

— Je n’en pense rien, mon chéri. Je n’ai jamais songé à cela.

— Enfin, reprit-il, te vois-tu de nouveau enceinte, nous vois-tu avec un cinquième enfant ? C’est ce jour-là qu’on aurait raison de se moquer et de nous dire que, si nous sommes malheureux, c’est que nous le voulons bien !… Alors, n’est-ce pas ? ça me trotte par la tête, et j’ai fait aujourd’hui un serment, celui de nous en tenir là, de nous arranger pour que le cinquième ne vienne jamais… Qu’en penses-tu, ma chérie ?

Cette fois, sans doute à son insu même, elle dénoua un peu les bras, et il eut l’impression d’un petit frémissement de sa peau contre la sienne. Elle était prise de froid, elle avait envie de pleurer.

— J’en pense que tu dois avoir raison. Que veux-tu que je te dise, moi ? Tu es le maître, nous ferons ce que tu voudras.

Mais ce n’était déjà plus elle, l’amante, l’épouse, qu’il tenait dans son étreinte ; c’était une autre, la femme passive, résignée à n’être que du plaisir. Et surtout il avait la sensation qu’elle ne comprenait pas, effarée, se demandant pourquoi, à cause de quoi, il disait ces choses.

— Je ne te fais pas de la peine au moins, ma chérie, ajouta-t-il en affectant de plaisanter. Ça n’empêche pas de faire joujou, tu sais. Et nous serons logés à bonne enseigne, tout le monde en est là, tous ceux que je t’ai nommés ne s’arrangent pas autrement… Tu seras quand même ma petite femme que j’adore.

Il l’attira, la serra plus étroitement, chercha ses lèvres