Page:Zola - Fécondité.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient pu l’entendre. C’est Rose qui s’était encore découverte… Ils dorment tous les quatre, pareils à des Jésus.

Puis, après avoir replacé la lampe sur la table :

— Je l’éteins, n’est-ce pas ?

Mais, au moment où il se dirigeait vers la fenêtre, pour la fermer, elle l’en empêcha.

— Non, non ! laisse-la grande ouverte. Il fait si beau, si doux ! Tout à l’heure, avant de nous endormir, nous la fermerons.

C’était vrai, rien n’était d’une beauté, d’une douceur comparables à cette merveilleuse nuit de printemps, qui entrait avec toute la paix noire, toute l’odeur calme et puissante des vastes campagnes. Au loin, on n’entendait plus que le souffle profond de la terre assoupie, dans son éternelle fécondité. La vie, quand même, débordait de ce repos, s’épandait en ce frisson du désir nocturne, dont l’amour, sans cesse ni fin, agite les herbes, les bois, les eaux, les champs, jusque dans leur sommeil. Maintenant que la lampe était éteinte, on voyait, de la chambre obscure, les étoiles brûlantes palpiter au ciel, tout un pan du ciel immense, que Paris continuait à incendier de son reflet de cratère, là-bas, juste en face du lit où les époux étaient couchés.

Tendrement, Mathieu prit Marianne entre ses bras, puis, la serrant tout contre lui, la mettant sur son cœur, dans cette étreinte où il la sentait si souple et si robuste, il continua d’une voix émue, à son oreille :

— Ma chérie, comprends bien que je songe à vous uniquement, aux petits et à toi… Les autres, qui sont riches, ont la sagesse de ne pas se charger de famille, et c’est nous, les pauvres, qui nous mettons des enfants sur les bras, coup sur coup, sans compter. Quand on y réfléchit un peu, ça paraît fou, c’est de la dernière imprévoyance… Ainsi, la naissance de notre petite Rose nous a certainement achevés, en nous forçant à nous réfugier