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Et ils étaient venus, ce printemps-là, se réfugier dans ce désert de Janville, pour s’y aimer librement, passionnément, en pleine nature. On ne rencontrait qu’eux, enlacés, par les sentiers des bois, cherchant les refuges ignorés, les trous d’herbes cachés sous les feuilles. La nuit surtout, ils s’en allaient ainsi à travers champs, derrière les haies, le long des rives ombragées de l’Yeuse, ravis quand ils pouvaient s’oublier très tard, près de l’eau murmurante, dans l’ombre épaisse des saules.

— Encore une qui ne veut pas d’enfant, reprit Marianne. Elle me l’a dit, l’autre jour, elle a décidé de ne pas en avoir avant la trentaine, pour jouir un peu de l’existence avec son mari, sans tout de suite s’embarrasser d’une maternité qui lui prendrait trop de temps. Et lui l’encourage dans cette idée, par crainte, je crois, qu’elle ne s’abîme le corps, qu’elle ne cesse d’être amante pendant la grossesse et l’allaitement. Aussi ont-ils beau s’embrasser partout, du matin au soir, ils s’arrangent de façon à n’avoir que le plaisir… À trente ans, ils feront un garçon, et plus beau que le jour.

Et, comme Mathieu, redevenu grave, continuait à garder le silence, elle ajouta simplement :

— S’ils peuvent.

Lui, de nouveau, réfléchissait. Savait-on jamais où était la sagesse ? N’était-ce pas délicieux, cet amour tout à lui-même, vivant de lui seul, par la vaste campagne ? Il se rappela le serment qu’il s’était fait, à Paris, de n’avoir plus d’enfant.

— Bah ! murmura-t-il enfin, chacun vit à sa guise… Nous les gênons, allons nous coucher.

Doucement, ils reprirent, ils remontèrent l’étroit chemin qui conduisait à Chantebled. Devant eux, comme l’étincelle lointaine d’un phare, ils voyaient la clarté de la lampe brûlant devant une fenêtre du pavillon, clarté tranquille et perdue, au milieu des ténèbres amassées