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LA FÉE AMOUREUSE

et embaumée dont on dédaigne l’éclat et le parfum.

Un jour, Odette la désolée suivait de l’œil en rêvant deux tourterelles qui fuyaient, lorsqu’elle entendit une voix douce au pied du château. Elle se pencha et vit un beau jeune homme qui, la chanson sur les lèvres, réclamait l’hospitalité. Elle écouta et ne comprit pas les paroles ; mais la voix douce oppressait son cœur, et, sans qu’elle le sût, des larmes coulaient lentement le long de ses joues, mouillant une tige de marjolaine qu’elle tenait à la main.

Le château resta fermé, et un homme d’armes cria des murs :

— Retirez-vous : il n’y a céans que des guerriers.

Odette regardait toujours. Elle laissa échapper la tige de marjolaine humide de larmes, qui s’en vint tomber aux pieds du chanteur. Ce dernier leva les yeux, et, voyant cette tête blonde, il baisa la branche et s’éloigna, se retournant à chaque pas.

Quand il eut disparu, Odette se mit à son prie-Dieu et fit une bien longue prière. Elle remerciait le ciel sans savoir pourquoi ; elle se sentait heureuse et ignorait le sujet de sa joie.

La nuit, elle eut un beau rêve. Il lui sembla voir la tige de marjolaine qu’elle avait jetée. Lentement, du sein des feuilles frissonnantes, se dressa une fée, mais une fée si mignonne, avec des ailes de flamme, une