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SIMPLICE

et nous marchions, muets et frémissants. Ne m’as-tu pas vue ? ne te rappelles-tu pas tes rêves ?

Et comme il ouvrait enfin la bouche :

— Ne dis rien, reprit-elle encore. Je suis Fleur-des-eaux, et tu es le bien-aimé. Nous allons mourir.


X

Les grands arbres se penchaient pour mieux voir le jeune couple. Ils tressaillaient de douleur, et se disaient de taillis en taillis que leur âme allait prendre son vol.

Toutes les voix firent silence. Le brin d’herbe et le chêne se sentaient pris d’une immense pitié. Il n’y avait plus dans les feuillages un seul cri de colère. Simplice, le bien-aimé de Fleur-des-eaux, était le fils de la vieille forêt.

Elle avait appuyé la tête à son épaule, et, se penchant au-dessus, du ruisseau, tous deux se souriaient. Parfois, levant le front, ils suivaient du regard la poussière d’or qui tremblait dans les derniers rayons du soleil. Ils s’enlaçaient lentement, lentement, et semblaient attendre la première étoile pour se confondre et s’envoler à jamais.

Aucune parole ne troublait leur extase. Leurs âmes, qui montaient à leurs lèvres, s’échangeaient dans leurs haleines.