Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.
316
AVENTURES DU GRAND SIDOINE

duré. Je suis las de nous entendre mentir effrontément, en nous déclarant le dernier mot de Dieu, la créature par excellence, celle pour laquelle il a créé le ciel et la terre. Sans doute, on ne saurait imaginer une fable plus consolante, et si demain mes frères venaient à s’avouer ce qu’ils sont, ils iraient se suicider chacun dans leur coin. Je ne crains pas d’amener leur raison à ce point extrême de logique ; ils ont une inépuisable charité, une copieuse provision de respect et d’admiration pour leur être. Donc, je n’ai pas même l’espoir de les faire convenir de leur néant, ce qui eût été une moralité comme une autre. D’ailleurs, pour une croyance que je leur ôterais, je ne pourrais leur en donner une meilleure ; peut-être essayerai-je plus tard. Aujourd’hui, j’ai grande tristesse ; j’ai conté mes mauvais songes de la nuit dernière. J’en dédie le récit à l’humanité. Mon cadeau est digne d’elle, et, de toutes manières, peu importe une gaminerie de plus parmi les gamineries de ce monde. On m’accusera de n’être pas de mon temps, de nier le progrès aux jours les plus féconds en conquêtes. Eh ! bonnes gens, vos nouvelles clartés ne sont encore que des ténèbres. Comme hier, le grand mystère nous échappe. Je me désole à chaque prétendue vérité que l’on découvre, car ce n’est pas là celle que je cherche, la Vérité une et entière, qui seule guérirait mon esprit malade. En six mille ans, nous n’avons pu faire un pas. Que si, à cette heure, pour vous éviter le souci de me juger fou à lier, il