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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

comme disait Médéric, montrant ce qu’est la terre, un fœtus ne vivant encore qu’à demi, où la vie et la mort luttent dans nos temps à forces égales.

Au milieu du vacarme, un jeune chat s’évertuait pour faire comprendre à l’assemblée qu’il désirait lui communiquer une vérité décisive. Il joua fort et ferme des pattes et du gosier, et finit par obtenir un peu de silence.

— Hé ! dit-il, mes bons frères, par pitié, cessez cette discussion qui afflige ici les âmes tendres. Mon cœur saigne à voir cette scène pénible. Hélas ! nous sommes loin de ces mœurs douces, de cette sagesse de paroles que, pour ma part, je cherche depuis mes jeunes ans. Voilà bien un grand sujet de querelle, une méchante nourriture, soutien d’un corps périssable ! Rappelez vos esprits ; vous rirez de votre colère et laisserez là cette misérable question. Le choix plus ou moins heureux d’un vil aliment n’est pas digne de nous occuper une seconde. Vivons comme nous avons vécu, n’ayant souci que de réformes morales. Philosophons, mes bons frères, et buvons notre écuelle de lait. Après tout, le lait est d’un goût fort agréable, et je l’estime supérieur aux plats par lesquels vous voulez le remplacer.

Des hurlements épouvantables accueillirent ces derniers mots. La malencontreuse idée du jeune chat acheva de rendre les bêtes furieuses, en leur rappelant le fade breuvage dont elles s’étaient lavé les entrailles pendant trois longs mois. Il leur vint une faim