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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

— Ce matin, vers six heures, comme je rêvais innocemment, un grand bruit m’a éveillé. J’ai ouvert un œil. Le peuple entourait mon lit, paraissant fort ému et attendant mon réveil, en quête de quelque jugement. Bon ! me suis-je dit, voilà qui regarde Médéric : dormons encore. Et je me suis rendormi. Au bout de je ne sais combien de minutes, j’ai senti mes sujets me tirer respectueusement par un coin de ma blouse royale. Force m’a été d’ouvrir les deux yeux. Le peuple s’impatientait. Qu’a donc mon frère Médéric ? ai-je pensé, de méchante humeur. Et, en pensant cela, je me suis mis sur mon séant. Ce que voyant, les braves gens qui m’entouraient ont poussé un murmure de satisfaction. Me comprends-tu, frère, et ne sais-je pas conter à l’occasion ?

— Parfaitement, mais si tu contes de ce train-là, tu conteras jusqu’à demain. Que voulait notre peuple ?

— Ah ! voilà. Je crois n’avoir pas trop bien compris. Un vieux s’est approché de moi, traînant sur ses talons une vache au bout d’un cordeau. Il l’a plantée à mes pieds, la tête dirigée de mon côté. À droite et à gauche de la bête, en face de chaque flanc, se sont formés deux groupes se montrant le poing. Celui de droite criait : « Elle est blanche ! » Celui de gauche : « Elle est noire ! » Alors le vieux, avec force saluts, m’a dit d’un ton humble : « Sire, est-elle noire, est-elle blanche ? »

— Mais, interrompit Médéric, c’était de la haute philosophie, cela. La vache était-elle noire, mon mignon ?